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L’usine d'enrichissement de l'uranium George Besse1/Eurodif (INB n° 93) d'Orano Cycle (ex Areva) est en cours de démantèlement depuis l'année 2012. L'ASN avait donné son feu vert au programme présenté par la Direction locale du site du Tricastin (Drôme-Vaucluse) sous réserve de prescriptions techniques et d'engagements précis. Le 26 janvier 2023 les inspecteurs de l'ASN sont venus sur le terrain suivre les choses d'autant que différents engagements pris par Orano envers l’ASN arrivent à échéance tels les installations en démantèlement, parcs d’entreposages, les utilités et magasin généraux (1).
 
Des fûts toxiques qui ne devraient plus être là et un stockage pas très sérieux

L’échéance des différentes autorisations délivrées par l’ASN laisse à désirer. Notamment l’entreposage des fûts du terrible di-uranate de potassium/KDU. Cet anion de l'uranium provenant du concentré d'uranium "yellowcake" enrichi en UF4 dans l'usine Areva-Orano de Narbonne puis en gaz UF6 dans l'installation du Tricastin. Ces fûts devaient être évacués de l’atelier 420 vers une autre installation mais ils traînent encore dans les parages de l'INB93. Orano qui ne respecte donc pas l'échéancier, devra déposer un nouveau dossier afin d'obtenir une autorisation de dépassement des délais et donc une prolongation d'un entreposage des plus dangereux et aléatoire. L'ASN comme à l'accoutumé se soumettra aux volontés de l'exploitant. Dans le monde nucléaire, entre les engagements et la réalité il y a très souvent une autorité de contrôle qui se fait rouler dans la farine.

Tricastin_Georges-Besse-II_Areva-Orano_zone-entreposage-container.jpgCe qui fait tiquer les inspecteurs est le bilan des conteneurs des parcs, qui doit être envoyé annuellement à l’ASN, et qui reste très "perfectible" afin d’améliorer une analyse synthétique des matières, volumes stockés et nombre de fûts. Ainsi des conteneurs d'hexafluorure d'uranium UF6 qui participent à la production du "combustible" pour les réacteurs nucléaires et les armes nucléaires.

La prescription technique (PT-DEM93-15) de l'ASN qui a conduit à la décision d'autorisation de démantèlement prévoit que « Au plus tard le premier février de chaque année, l’exploitant transmet à l’ASN le bilan pour l’année précédente du nombre de conteneurs d’hexafluorure d’uranium entreposés dans l’installation. Ce bilan présente notamment la quantité d’UF6, et son taux d’enrichissement, dans chaque conteneur entreposé.... » Or dans le document d'Orano aucune indication de la localisation des conteneurs n’est mentionnée pas plus que les flux réalisés annuellement sur les parcs de l’INB 93 ni aucune analyse qualitative. "Ainsi, le bilan envoyé ne présente pas d’analyse synthétique des mouvements notables sur ces parcs" constate les inspecteurs.

Des compte-rendus de Contrôles et essais périodiques/CEP pas à jour et trop limités

Les Contrôles et essais périodiques/CEP effectués par Orano-Areva doivent faire l'objet d'un compte rendu nommé "Contrôle interne de premier niveau/CIPN" afin de vérifier par sondage ce qu'il en est des Elément important pour la protection/EIP et les exigences et procédures qui doivent leur être appliquées. En principe on ne doit pas badiner avec ce qui relève de la sécurité en matière nucléaire. Mais ici c'est un peu au bonheur la chance. Ainsi, la conclusion indique la nécessité de remettre à jour de nombreux documents notamment dans les procédures et actions concrètes. Et pas que pour ce qui relève du "Contrôle interne de premier niveau/CIPN" sur les "contrôlés" par sondage mais bel et bien pour l’ensemble des Contrôles et essais périodiques/CEP de l'Installation Nucléaire de Base 93 que doit effectué Orano-Areva.

Si les Règles générales d’exploitation/RGE que doit respecter Orano-Areva imposent que « Les résultats de ces CEP sont communiqués annuellement par un bilan au Chef d’Installation» les inspecteurs n’ont pas pu consulter, pour les parcs d’entreposages, le dit bilan. Existe-il ? N'existe-t-il pas ? Mystère et boule de gomme car l’extraction du logiciel faisant office de bilan n'a pu avoir lieu. Les inspecteurs n'ont pas pu non plus vérifier que le format est adapté, en comparaison des bilans transmis pour les autres secteurs de l’INB93. Un voile pudique plane sur les années 2021 et 2022.
 
Orano/Areva ne respectera pas ses échéances
 

Certitude du bilan de l'inspection : l’évacuation des fûts toxiques de di-uranate de potassium/KDU entreposés à l’atelier 420 de l’INB 93 ne sera pas possible avant l’échéance d’entreposage, fixée au 31 décembre 2023 par la décision de l'ASN (2). Depuis le 4 octobre 2022 c'est une certitude, la Direction d'Orano Tricastin n'est pas à la hauteur. Ce n'est pas nouveau mais cela se confirme encore une fois.

Alors, une fois de plus, l'ASN ne pourra que constater la situation, valider le coup de force permanent des véritables donneurs d'ordre, ne pas sanctionner les maîtres des lieux et entériner une nouvelle prolongation des opérations de démantèlement qui durent depuis 10 ans déjà. Il faudra simplement que Orano-Areva dépose un nouveau dossier de prolongation pour cet entreposage au moins six mois avant la date de fin de l’autorisation, soit avant le 30 juin 2023.

Comme nous le disions déjà en octobre 2020, suite au dépôt d'une plainte contre Orano-Areva pour pas moins de neuf infractions à la réglementation nucléaire et délit de pollution des eaux : démanteler une installation nucléaire   "Dans la réalité c'est onéreux, long, dangereux et polluant sans régler pour autant la question des déchets mortels ainsi générés."

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(1) CODEP-LYO-2023-008474 du 14 février 2023
(2) compte rendu de la réunion référencée CODEP-LYO-2022-053805