De EDF ou du nucléaire, lequel est le plus mal en point ?
Par Rédaction le samedi 19 novembre 2022, 14:27 - National - Lien permanent
Thierry Gadault - journaliste indépendant, auteur notamment de "EDF, la bombe à retardement" (2014) et de "Nucléaire danger immédiat" (2018), évoque le triste état d'EDF et celui encore plus sombre du nucléaire français. (entretien réalisé le 25 octobre par la CNT-Energie pour l'émission "Sévices publics" de Radio Libertaire)
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Après quinze années dans la presse économique (La Tribune, L'Expansion, Le Nouvel Eco), Thierry Gadault est devenu journaliste d'investigation indépendant en 2005 et a collaboré à plusieurs médias (Capital, Le JDD, Le Média TV, Blast,...). . Il a enquêté sur de nombreuses entreprises, comme Areva, EDF, le groupe Lagardère, EADS/Airbus, France Telecom/Orange, Rubis... Auteur d'une douzaine de livres notamment sur l'industrie de la défense et le secteur de l'énergie ("EDF, la bombe à retardement" (2014) et de "Nucléaire danger immédiat" (2018), il a aussi dirigé une lettre spécialisée sur l'industrie aéronautique. Son dernier livre (avec Hugues Demeude), «Massacre à la tronçonneuse. Climat, parasites, crise budgétaire... Nos forêts en état d'urgence», a été publié en novembre 2020. Il est également auteur de documentaires, comme «Danielle Mitterrand. Une certaine idée de la France» diffusé en 2018 par Public Sénat.
Dans l'entretien ci-dessous réalisé par la CNT-Energie pour l'émission "Sévices publics" de Radio Libertaire et repris ici partiellement, Thierry Gadault évoque le triste état d'EDF et celui encore plus triste du nucléaire français.
Commentaires
Thierry Gadault, journaliste indépendant, dresse de manière limpide et savoureuse l'histoire de la filière entière depuis 1945 et des « affaires » qui l'ont émaillée :
https://youtu.be/5AxzeFG4rNY
Quant on s’intéresse à la carrière passée du nouveau PDG d’EDF, le dénommé Luc Rémont, il est impossible
de ne pas comprendre que cet individu nuisible a été choisi pour dépecer l’entreprise et en privatiser les
parties rentables comme le distributeur Enedis et les activités dans les énergies renouvelables.
C'est le retour masqué du fameux plan « Hercule », annulé suite à de multiples protestations : l’objectif est de
privatiser ce qui rapporte (et ainsi favoriser les industriels amis de la macronie) et de confier à l’État – c’est à
dire faire financer par l’argent public – les ruineuses activités nucléaires.
On se demande bien comment vont réagir les syndicats d’EDF, à commencer par la très radioactive CGT-
Energie : elle est totalement favorable au nucléaire... mais opposée au démantèlement de l’entreprise. Alors,
est-elle pour ou contre le dépeceur Rémont ?
Programmée dès l’Acte unique européen de 1986 et mise en œuvre à partir de 1996, cette destruction dogmatique des monopoles publics, menée tambour battant au nom de la sacro-sainte concurrence par la Commission européenne avec la complicité des gouvernements nationaux, devait apporter efficience, innovation et prix bas.... Aucun des vingt-sept États de l’Union européenne ne remet pourtant en cause le dogme concurrentiel, et la Commission semble se mouvoir dans une dimension hermétique au monde réel...
le gouvernement français annonçait, le 19 juillet dernier, son intention de prendre le contrôle d’EDF à 100 %, moyennant 9,7 milliards d’euros. Racheter les 15,9 % du capital détenus par des actionnaires privés, sortir l’entreprise de la Bourse, la gaver de fonds publics puis la revendre à la découpe : le projet sent si fort la naphtaline libérale des années 1980 — socialisation des pertes, privatisation des bénéfices — qu’il a fallu un peu le ripoliner...
Les principaux médias français qualifient aussitôt l’opération de « nationalisation » ce qui est faux. « L’État rachète les parts des actionnaires minoritaires, sans toucher au statut d’EDF. Si le gouvernement avait voulu redonner à la France une souveraineté énergétique, il aurait au moins transformé l’entreprise en EPIC [établissement public à caractère industriel et commercial]. » En fait de nationalisation, l’exécutif « étatise » l’énergéticien, (pour) pour démanteler le groupe sans être tenu de fournir le minimum d’information et de transparence exigé par le droit boursier. Il lui suffira par exemple de mettre en avant le niveau d’endettement du groupe (68 milliards d’euros) pour justifier une vente à la découpe. »
(le monde diplo, decembre 2022)
Au premier semestre 2022, EDF affichait un résultat négatif de 5,3 milliards d’euros. Du pour la plus grande partie au nucléaire.
Ses principaux concurrents privés se portent à merveille, eux. TotalEnergies a cumulé 10,4 milliards d’euros de bénéfices sur la même période ; Engie a engrangé 5 milliards d’euros.
En février dernier, le Parlement français prolongeait de dix-huit ans la concession hydroélectrique du Rhône, sans appel d’offres, au profit d’une filiale du groupe Engie. À l’unanimité des groupes parlementaires, avec l’approbation du gouvernement français et de la Commission européenne, mais pas forcément au bénéfice des usagers. « La part majoritaire de la rente a été captée par l’État, sous forme de redevance et d’impôt sur les sociétés, le solde a été conservé par la société concessionnaire et ses actionnaires, de sorte que l’efficacité des barrages du Rhône ne bénéficie plus aux consommateurs à travers des tarifs reflétant les coûts de production », relève la Cour des comptes.
D’ordinaire férus de consommation et autres « bons plans », les médias n’ont guère relayé les conclusions peu flatteuses de ce rapport...