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Les casseurs sont à l'oeuvre tant au sein du pouvoir central autocratique que dans les régions. Retoqué une première fois par le Conseil d'Etat le mois dernier, pour notamment "absence de raison impérative d'intérêt public majeur" de construire des EPR2 (contrairement aux projets d'installation de production d'énergies renouvelables) et de détricoter les lois et réglementations protégeant l'environnement et la santé : le gouvernement vient d'adopter ce 2 novembre 2022 en conseil des ministres un nouveau projet de loi (1) qu'il entend faire valider par l'Assemblée Nationale dès 2023. Le gouvernement est convaincu de pouvoir faire passer en force sa relance du nucléaire sans avoir besoin de se justifier.

  • Ce projet de loi vise à imposer le développement de l’énergie nucléaire exigé par la nucléocratie et approuvé par le chef de l'État en février 2022. Sous couvert de sortir des énergies fossiles et atteindre la neutralité carbone en 2050, ils veulent faciliter la construction de six réacteurs nucléaires de type EPR2 laissant ouverte la possibilité d'en construire huit autres en plus, soit 14 au total disséminés sur le territoire français. Pour ce faire ils proposent de casser les lois et procédures existantes, tant nationales que locales.
  • Ce projet de loi détricote les obligations locales d'urbanisme (Plan Local d'Urbanisme)  notamment) en accélérant la mise en compatibilité des documents locaux, en dispensant de permis de construire les installations et travaux portant sur la création d’un réacteur nucléaire. C'est une atteinte directe de l'actuelle législation visant à respecter à minima les obligations en matière d'urbanisme, d'environnement, de démocratie locale. La conformité aux règles d’urbanisme ne sera plus contrôlée que par l'État.
  • Ce projet de loi vise à supprimer l'application de la loi Littoral (protection de l'environnement) pour les constructions de centrales atomiques afin de construire des nouveaux réacteurs nucléaires en bord de mer, s’ils sont installés en proximité ou dans le périmètre de la centrale nucléaire existante. La première paire d’EPR2 dont l'implantation doit être imposée à la centrale de Penly située en bord de Manche près de Dieppe en est le test.
  • Ce projet de loi vise aussi à accélérer les mesures d’expropriation, avec prise de possession immédiate, pour pouvoir construire des ouvrages annexes aux projets de réacteurs nucléaires reconnus alors d’utilité publique (installations de pompage, sous-station électrique, réseaux, voiries,...).
  • Ce projet de loi vise à réduire les délais d'instruction des travaux (terrassement, clôtures ou parkings nécessaires au chantier...) pour les parties dites non-nucléaires. qui pourront démarrer sans attendre le décret d'autorisation de création du réacteur. C'est la légalisation du fait accompli, de la force imbécile contre le droit commun. C'est le coup d'Etat permanent de la nucléocratie contre les populations, le peuple.
  • Ce projet de loi vise à prolonger les installations nucléaires délabrées et vieillissantes actuelles en simplifiant la procédure des réexamens périodiques des réacteurs atomiques de plus de 35 ans.( en février 2022, E.Macron avait annoncé qu'il serait bien que tous les réacteurs nucléaires en service puissent être prolongés). La suppression des rapports quinquennaux sur l'état des équipements nucléaires 'est encore un recul au niveau de la sûreté nucléaire et de la sécurité des populations.
  • Ce projet de loi vise à imposer une procédure d'adoption d'un décret de fermeture à la place de la mise à l’arrêt définitif de plein droit d’une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner depuis plus de deux ans.

effets_radioactivite_sur_corps-humain_800_1_.jpgOr, le Conseil d'Etat lui-même, qu'on ne peut taxer d'idéologue antinucléaire, a pointé la légèreté de l'étude d'impact de ce projet de loi, les EPR2 ne répondent pas à la qualification de "raison impérative d'intérêt public majeur". Le gouvernement n'a pas apporté de justifications suffisantes quant à la puissance prévisionnelle des installations futures et quant à la contribution attendue pour la réalisation des objectifs de la PPE (Programmation Pluriannuelle de l'Eergie), dont notamment la sécurité d'approvisionnement, la préservation du pouvoir d'achat des consommateurs et la compétitivité des prix de l'énergie.

Le Conseil d'État a rappelé également qu'un projet d'EPR2 "ne pourra pas être qualifié d'intérêt général avant la fin d'un débat public" , que les impacts environnementaux notables devront faire l'objet d'une enquête publique. Le Conseil d'État se montre sceptique quant aux motivations de ce projet de loi d'accélération des procédures administratives. Il rappelle que "le manque d'expérience récente de construction de réacteurs nucléaires relativise les appréciations qui peuvent être portées sur ces délais" (§3) et estime que "le gain de temps attendu [au niveau des procédures administratives] ne peut être évalué avec certitude" (§8). Ce que démontre le Conseil d'État à l'attention du gouvernement est que le développement rapide des projets EPR2 (révision à la baisse des éléments de sécurité de l'actuel EPR) est une chimère et que le projet de loi d'accélération du nucléaire bafoue la consultation démocratique.

A chacun-e d'interpeller et de manifester son opposition à son/sa député-e, ses élu-es locaux/départementaux/régionaux; de rejoindre les mobilisations qui seront mises en place, d'organiser la riposte sous différentes formes d'actions efficaces.

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(1) https://www.vie-publique.fr/loi/286979-projet-de-loi-pour-accelerer-le-nucleaire