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L’installation nucléaire de base (INB) 63-U (EDF/Framatome) de Romans-sur-Isère (Drôme) fabrique des substances radioactives et les matières fissiles uranifères ("combustible" nucléaire neuf) mortelles sous forme de pastilles et crayons destinés à engendrer la réaction atomique au coeur des réacteurs nucléaires disséminés sur tout le territoire. Ces assemblages ou ces crayons combustibles non assemblés neufs d'oxyde d’uranium (2) sont transportés par voie terrestre ou maritime dans des emballages (type FCC) censés être totalement hermétique afin d'éviter les fuites radioactives. Eh bien ce n'est pas le cas.

Framatome (1) a déclaré à quelques jours de Noel, le 21 décembre 2022, un événement significatif de défaut de serrage du système de fermeture des colis. Ces défauts ont été détectés non pas lors de la sortie de l'usine mais lors de leur réception dans des centrales nucléaires après avoir parcouru des centaines de kilomètres sur les routes et autoroutes françaises et côtoyés des dizaines de milliers d'automobilistes.

emballage-transport_Framatome-Romans-coque.pngC'est à leur arrivée le 7 décembre 2022 à la centrale atomique de Gravelines (Manche) que les opérateurs constatent que l'une des trente vis de fermeture des colis, censés être hermétiques, n’était plus serrée. Après d'autres vérifications cinq autres colis de même type présentent le même problème à Gravelines mais aussi dans une autre centrale nucléaire, celle du Blayais en Gironde. Au moins une ou deux vis ne sont pas serrées sur chacun des colis à l'arrivée. D'autres livraisons pour d'autres réacteurs nucléaires pourraient potentiellement présenter les mêmes dangers au quatre coins de la France. D'ailleurs d'autres défaillances de serrage à l’arrivée avaient déjà été identifiés dans le passé et notamment au début de l’année 2022 : quatre colis avaient donné lieu aux mêmes constats de serrage des vis non conforme. Framatome avait alors soit-disant renforcé la vérification du bon serrage des vis lors de la fermeture avant expédition.

Qui va piano va sano, et en attendant que Dieu nous protège

Du fait qu'ils représentent des enjeux majeurs pour la sûreté ces emballages sont théoriquement soumis à agrément de l’ASN en tant que colis (type IP-2 ou type A) contenant de la matière fissile (3) tout comme leur vérification doit être scrupuleusement assurée. D'ailleurs la réglementation impose que leur conception doit garantir, y compris en cas d’accident sévère de transport, le maintien de protection contre le risque de criticité (emballement de la réaction nucléaire) et maintenir leurs fonctions de confinement et de protection radiologique en cas d’incident de transport (4).

Mais, petit problème pour les nucléaristes, les dates d’expiration de certification de ces colis arrivent en fin de vie les 31 décembre 2022 et 30 avril 2023. Autrement dit ils sont bons pour la casse. Orano NPS a donc déposé mais seulement en juin 2021 une demande de prorogation de certification (5) auprès de l'ASN pour ces modèles de colis « FCC3 » et « FCC4 » (6). Manque de pot, les délais étant un peu courts, ces nouveaux modèles font toujours l’objet d'études d’agréments de la part de l'ASN après avoir fait l'objet à la hâte d'une consultation du public à laquelle d'ailleurs personne n'a participé du 29 juin au 14 juillet 2021. Mais comme déjà en 2017 Orano s'était livré à la même demande de prorogation (7) pour une expiration au 30 avril 2018 avec un grandiose document "assurance qualité" et "vérifications régulières et "entretiens périodiques" : pourquoi ne pas retenter le coup. Ou l'art de tordre le bras à la pseudo autorité administrative et à la population.

Très pudibonde comme à l'accoutumé l'ASN précise au vu de la débandade en matière de sécurité que " à ce stade, les raisons de ces écarts de serrage ne sont pas connues" mais n'hésite pas a affirmer poutant que "cet événement n’a pas eu de conséquence au cours du transport sur les travailleurs, la population et l’environnement". Ils sont voyants et devins dans le nucléaire.  Et, ouverture de parapluie oblige, ajoute que "en raison du caractère répétitif des non-conformités détectées, l’incident a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des évènements nucléaires graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité". Circulez y'a rien à discuter.

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(1) Framatome (anciennement Areva NP) est une filiale du groupe EDF depuis janvier 2018 qui conçoit des centrales nucléaires et fournit des équipements de la chaudière nucléaire et des services de maintenance des réacteurs.
(2) L'uranium est un élément chimique de symbole U et de numéro atomique 92. C'est un élément naturel assez fréquent. Il se trouve partout à l'état de trace, y compris dans l'eau de mer. C'est un métal lourd radioactif (émetteur alpha) de période très longue (environ 4,5 milliards d'années pour l'uranium 238 (238U) et environ 700 millions pour l'uranium 235). L'uranium 235 (isotope 235U) est le seul élément fissible naturel. Sa fission libère une énergie voisine de 200 MeV par atome fissionné.Cette énergie est plus d'un million de fois supérieure à celle des combustibles fossiles pour une masse équivalente. De ce fait, c'est aujourd'hui la matière première initiale pour toute l'industrie nucléaire.
(3) Un nucléide est dit fissile si son noyau est susceptible de subir une fission sous l'effet de neutrons de toutes énergies. Exemple : l'uranium 235. En toute rigueur, ce n'est pas le noyau appelé fissile qui subit la fission mais le noyau composé formé suite à la capture d'un neutron.
(4) Le maintien de ces fonctions de sûreté n’est étonnamment pas exigé en cas d’accident sévère sous prétexte que l’activité (radioactivité) est limitée.
(5) https://www.asn.fr/l-asn-reglemente/consultations-du-public/demande-de-prorogations-d-agrement-des-modeles-de-colis-fcc3-et-fcc4
(6) type industriel fissile « IF » et de type « A fissile »
(7) https://www.asn.fr/l-asn-reglemente/consultations-du-public/colis-fcc3-et-fcc4

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photos (ASN et Areva), vignette de tête (crash-test sur emballage)