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Funeste chimère promue au rang de technique thérapeutique face aux désastres en cours et à venir, la résilience érige leurs victimes en cogestionnaires de la dévastation. Ses prescripteurs en appellent même à une catastrophe dont les dégâts nourrissent notre aptitude à les dépasser. C’est pourquoi, désormais, dernier obstacle à l’accommodation intégrale, l’« élément humain » encombre.

La résilience s’inscrit parfaitement dans le solutionnisme de l’infinie reconstruction, partageant pleinement cette espérance avec la technologie nucléaire elle-même, lorsqu’elle prétend entreprendre de réparer le climat. Convaincus que l’on révèle sa vraie nature dans les situations contre nature, les partisans de la résilience défendent la thèse d’un dévoilement de l’homme dans les atrocités.

L'auteur de "Contre la résilience - A Fukushima et ailleurs" (1), Thierry Ribault, est chercheur en sciences sociales au CNRS - Université de Lille (2) . Il énonce clairement les leçons de résilience de « Fukushima » et d’ailleurs (1) : il s’agit de mobiliser la science afin d’initier la population à l’attiédissement de son appréhension des menaces sur sa santé et son environnement, et de lui fournir ainsi les meilleures raisons de s’adapter à la vie contaminée et de patiemment se sauver par elle-même.

La résilience est despotique car elle contribue à la falsification du monde en se nourrissant d’une ignorance organisée. Elle prétend faire de la perte une voie vers de nouvelles formes de vie insufflées par la raison catastrophique. Elle relève d’un mode de gouvernement par la peur de la peur, exhortant à faire du malheur un mérite.

L'analyse de la politique de résilience menée dans les suites du désastre nucléaire de Fukushima depuis dix ans, permet également d 'identifier et de comprendre les enjeux régressifs des politiques du même nom menées face à d'autres catastrophes de la société industrielle. Ce sont les mécanismes de cette élaboration du consentement au pire que Thierry Ribault propose de mettre au jour.

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(1) https://www.lechappee.org/collections/pour-en-finir-avec/contre-la-resilience .  14 x 20,5 cm | 360 p. | 22 euros . isbn 9782373090864

(2) Il est coauteur, avec Nadine Ribault, des Sanctuaires de l’abîme. Chronique du désastre de Fukushima paru en 2012 aux Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances.

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