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C’est en 2012 que l’Etat doit décider de la poursuite du projet !


Pour le lobby du nucléaire, l’avenir n'est limité ni par les risques pour les populations, ni par l’accumulation des déchets, comme on aurait pu l’espérer, mais tout simplement par la raréfaction de l’uranium et les difficultés de son exploitation. Deux voies sont ainsi explorées pour assurer la relève des réacteurs actuels :
  • Iter* à Cadarache, c’est à dire la « fusion », considérée par nombre d’entre nous comme une « immense arnaque d’extrême dangerosité »* d’une part ;

  • La filière du plutonium** d’autre part, à travers le projet Astrid dont la construction à Marcoule se prépare subrepticement, et qui succède à Phénix et Superphénix.

En ce qui concerne AsTrid, il s’agit de construire un prototype de réacteur appelé indifféremment « réacteur à neutrons rapides » ( RNR ), « réacteur de 4ème génération » ou encore « surgénérateur », dont la caractéristique principale est d’utiliser le plutonium, l’élément le plus dangereux issu de l’industrie nucléaire, et le sodium comme fluide caloporteur, sodium qui s’enflamme au contact de l’air et explose au contact de l’eau !

Cette filière est, de ce fait, excessivement dangereuse dans tout son cycle.

Malgré sa dangerosité, actuellement du plutonium est introduit dans des combustibles de nos réacteurs à eau : il s’agit du MOX élaboré également à Marcoule.

Un petit rappel historique est nécessaire

L’industrie du nucléaire « civil » occidental s’est développée essentiellement sur le modèle des réacteurs à eau, dont le prototype avait été mis au point aux USA pour équiper les sous-marins nucléaires (le premier, le Nautilus, avait été lancé en 1954). Trois ans plus tard, la technologie était transposée vers la production électrique sous licence Westinghouse, d’où découlent tous les réacteurs à eau PWR actuels, et EPR dit de 3ème génération tels que celui en construction à Flamanville, ou celui en projet, Atméa.

Mais en fait la première production expérimentale d’électricité nucléaire aux USA fut réalisée en 1951 par un réacteur à neutrons rapides, RNR, alimenté alors en uranium enrichi, moins performant que le plutonium dont on ne disposait pas suffisamment à l’époque, plutonium qui est produit en petite quantité dans les réacteurs (voir en annexe comment de l’uranium irradié peut muter en plutonium).

Ainsi, pour disposer de plutonium, militaire ou civil, on a construit une usine à la Hague destinée à extraire le plutonium à partir des combustibles usés issus des centrales à eau. Cette usine est responsable de contaminations importantes dans la Manche et le Cotentin.

Les difficultés et l’échec de Phénix et Superphénix ont fait fondre l’espoir de développer la filière plutonium rapidement, et voilà qu’on se trouve avec un stock de plutonium qui va croissant, stock excessivement dangereux et encombrant. Il a alors été imaginé d’en utiliser dans les réacteurs à eau, en en ajoutant en petite quantité à l’uranium : c’est le « MOX » élaboré à Marcoule dans l’usine Melox (annexe). Rappelons au passage que toute cette industrie fait de Marcoule l’une des sources de contamination radioactive les plus importantes avec, entre autres, du plutonium dans les boues du Rhône. Ses voisins Tricastin et Cadarache ne sont pas en reste, et l’ensemble constitue l’une des zones les plus nucléarisées et les plus dangereuses d’Europe. N’oublions pas non plus les multiples transports routiers de plutonium entre la Hague et Marcoule, puis de livraison du Mox vers différentes centrales de France et d’ailleurs. Il y en a eu jusqu’à Fukushima, et du plutonium se trouve ainsi dispersé au Japon !

Quant à la filière Superphénix, on pouvait espérer en être débarrassé. Eh bien non : elle renait de ses cendres sous la forme d’Astrid,  et Marcoule, géré par le CEA, hérite évidemment du nouveau projet.

Astrid un projet pour Marcoule qu’il faut remettre en cause avant qu’il ne soit trop tard

C’est en 2012 que l’Etat doit décider de la poursuite du projet !

Malgré les difficultés et même l’échec de cette filière, les nucléocrates s’entêtent, et le CEA obtient de l’Etat 650 millions d’€ dans le cadre de l’Emprunt National de 2010, pour construire à Marcoule ce réacteur dit de 4ème génération, ASTRID, de puissance 600 MW, fonctionnant donc avec plutonium et sodium liquide, et prévu par la loi Loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. .

Le but inavoué de ce projet est de garder la mémoire technologique de cette filière avant que tous ses acteurs ne partent à la retraite.

Officiellement, outre démontrer la fiabilité de cette technique, Astrid est destiné à montrer la capacité à « incinérer » le plutonium et ses voisins. On voit là la subtilité rassurante du langage, car on n’incinère pas des atomes comme les ordures. Les atomes ne brûlent pas. Par contre on peut les briser sous bombardement neutronique, sauf qu’on génère, par ce fait, de nouveaux éléments radioactifs et de nouvelles nuisances et que, de toutes façons, l’efficacité de cette technologie ne permettrait de gérer qu’une faible proportion de déchets.

Le calendrier prévoit avant fin 2012 un avant-projet phase 1, permettant à l’Etat de décider de la poursuite du projet. Dès maintenant Bouygues s’est mis sur les rangs pour la construction ! Puis fin 2014 finalisation de l’avant projet, 2016 début de fabrication, pour mise en service en 2020.

Des équipes bénéficiant d’un large financement travaillent donc à Saclay, Cadarache et bien sûr Marcoule. Elles nous préparent cet avenir i-radieux dont on ne veut pas, compte-tenu des dangers encore plus importants qu’avec les centrales actuelles.

Le plutonium est la substance la plus dangereuse jamais fabriquée ; c’est toute la filière plutonium qu’il faut combattre.

Comment ferait-on pour refroidir les réacteurs de Fukushima s’ils avaient été des RNR, déjà que l’un d’entre eux avait reçu du Mox et qu’on retrouve maintenant du plutonium dispersé dans l'environnement ?

Pierre Péguin, aout 2012. tel 04 66 85 03 35.

ANNEXES

Quel sera le calendrier d’Astrid?

Une convention du 9 septembre 2010 entre l'Etat et le CEA encadre l'enveloppe de 651.6 millions attribuée au CEA. on y lit qu'il faudra 7 ans pour aboutir à l'avant-projet détaillé avec 3 étapes :La première échéance fixée par la loi du 28 juin 2006 se situe fin 2012, date à laquelle les pouvoirs publics devront pouvoir disposer de premiers éléments budgétaires et techniques, pour une prise de décision de poursuite des études du prototype.

Aussi, le CEA prévoit-il de réaliser pour Astrid un avant-projet sommaire (APS) en deux phases : une première phase pour l’échéance de 2012 (198 millions d’€), comprenant une évaluation du coût d’investissement, la définition des options techniques innovantes et des options de sûreté, ainsi qu’un planning de déploiement. Et, si la décision de construire est accordée, une deuxième phase d’avant-projet sommaire qui sera conduite de 2013 à fin 2014 (210md’€) et permettra les itérations nécessaires pour clore l’APS. Ensuite, l’avant-projet détaillé (APD 243 md’€) est prévu entre 2015 et 2017 pour une réalisation proprement dite qui débutera fin 2017, et une mise en service au début de la décennie 2020.

La convention précise que le CEA devra, avant fin 2012 « augmenter les cofinancements privés sur le programme », ce qui explique probablement l'annonce d'un partenariat avec Bouygues il y a quelques jours. La convention précise même que 20 à 30% de partenaires sont nécessaires.

Dernier point sur l’avancement du projet

A la grande satisfaction du CEA, le projet ASTRID a franchi le 15 mars son premier jalon important marquant la fin de la phase préparatoire et le lancement de la première phase de l’avant-projet sommaire (AVP1) : Mise en place des équipes et premières études techniques dites « d’orientation ». Ces dernières sont principalement réalisées à l’établissement de Lyon, à l’exception des parties contrôle-commande et systèmes électriques qui sont traitées à Paris et Offenbach.

82 personnes travaillent actuellement à la conception d’ASTRID.

Voyons de plus près l’origine des réacteurs à neutrons rapides

Commençons par Rapsodie. Le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) a pu dès 1957 concevoir un prototype, Rapsodie, à Cadarache, démarré en 1967, et arrêté en 1983. Ce petit réacteur nucléaire est le premier de la filière à neutrons rapides au plutonium et au fluide caloporteur sodium. Les ingénieurs du CEA ont cherché à développer avec Rapsodie une utilisation civile du plutonium. De plus, les réacteurs à neutrons rapides peuvent, sous certaines conditions, être surgénérateurs, c’est à dire produire du plutonium en même temps qu’ils en consomment. C’est donc un eldorado qui paraît s’ouvrir, l’énergie surabondante pour des siècles, un des plus anciens fantasmes de l'humanité, l'équivalent du moteur à eau !

Mais le 31 mars 1994, alors qu'une équipe effectue un travail de nettoyage dans un réservoir de sodium, celui-ci explose causant la mort de l'ingénieur René Allègre et blessant quatre techniciens. Il s'agit d'une réaction chimique violente due à la dangerosité des conditions d'utilisation du sodium.

En effet cette filière utilise comme fluide caloporteur le sodium liquide qui présente l’avantage de permettre un fonctionnement à haute température et donc un bon rendement de la transformation de la chaleur du réacteur en électricité. Mais il y a un énorme inconvénient : le sodium explose au contact de l’eau, et brûle au contact de l’air. De plus, en cas de fuite, cela peut provoquer un emballement des réactions nucléaires du cœur, pouvant conduire au scénario catastrophe de fusion.

Quant au plutonium, matière première, c’est la pire substance jamais élaborée par l’industrie, d'une très grande toxicité chimique comme tous les métaux lourds (rappelons-nous les assassinats au polonium). Émetteur alpha en se désagrégeant, il est d’une très grande radiotoxicité en cas d’inhalation de microparticules aériennes, ou par ingestion. Pour disparaître naturellement il lui faut au moins 250000 ans, pendant lesquels les générations futures auront à le gérer....

L’étape suivante à été Phénix à Marcoule : Construit en 1968, et fonctionnant à partir de 1973, arrêté en 2009, il était alors le plus vieux des réacteurs français en fonctionnement. D’une puissance électrique de 250 MW, Phénix a été exploité pendant 36 ans conjointement par le CEA pour recherche de destruction (« incinération », ou transmutation) de déchets radioactifs à vie longue, et par EDF pour la production d’électricité.

Son démantèlement est prévu pour une durée de 15 ans, mais dans ce domaine et compte-tenu des difficultés pour Brennilis et Superphénix, c’est évidemment l’incertitude. Le coût en est estimé à près d'un milliard d'euros, assuré par le CEA, c’est à dire par l’Etat, il ne pèsera pas dans le prix du Kwh nucléaire.... Démantèlement particulièrement délicat du fait que contrairement aux autres réacteurs il ne baigne pas dans l'eau mais dans du sodium liquide.

En fait ce réacteur a souvent été à l’arrêt, marqué par nombre de difficultés dont des fuites et des « petits » feux de sodium. Entre autre, en 2002, une explosion a lieu dans un réservoir raccordé à une cheminée qui débouche en toiture de bâtiment. Il s'agirait d'une réaction entre le sodium résiduel présent dans ce réservoir et de l'eau qui y aurait pénétré accidentellement suite à des pluies abondante,

Superphénix enfin, qui aura coûté au moins 10 milliards d’euros, qui devait devenir le fleuron de l’industrie nucléaire française, et dont l’histoire fut émaillée d’incidents techniques et de manifestations écologistes, sera finalement arrêté en 1997 par le Premier ministre Lionel Jospin après 20 ans de polémique.

Construit sur la commune de Creys-Malville près de Morestel dans l’Isère, en une dizaine d’années, son histoire commence par la répression violente de la manifestation de juillet 1977, organisée par les comités Malville, réunissant des dizaines de milliers d’opposants, et qui vit la mort de Vital Michalon et trois mutilations. Ce gigantesque projet, qui devait être une vitrine, a subi une contestation très forte des écologistes ; contestation également des milieux techniques et scientifiques du fait de son sur-dimensionnement : les1200MW d’électricité en fonctionnement, mais souvent … à l’arrêt, ont sans doute produit tout juste l’énergie dépensée pour sa construction.

Le gigantisme pharaonique est illustré par quelques chiffres : 5.500 tonnes de sodium inutilisables parce que contaminées, et qu’il faut, avec des précautions infinies, enfermer dans du béton ; 5 tonnes de plutonium sachant qu’avec 5Kg on a une bombe ; mais aussi 20.000 tonnes d’acier, pour l’essentiel contaminé, ainsi que 200.000 m3 de béton.

Les difficultés rencontrées par cette filière sont liées aux conditions extrêmes auxquelles sont soumises les matériaux : corrosion sous tension, fluage et modifications des structures cristallines sous l’effet du rayonnement et de la température.

Enfin l’intérêt pour la filière plutonium ne concerne pas que la France, différents pays se retrouvent dans le forum international « Generation IV ».

Quelques données scientifiques

Et des définitions : L’uranium naturel existe sous deux formes principales (on dit «  isotopes »), le « U 235 » à 0,7%, forme pouvant se désintégrer naturellement (dite « fissile »), et donc être le « combustible » de la filière nucléaire actuelle, et le « U 238 » qui a la propriété de pouvoir muter en plutonium (« Pu 239 ») s’il capte un neutron émis justement par l’uranium 235.

C’est ainsi qu’a été conçu logiquement au Tricastin l’usine Georges Besse 1, destinée à « enrichir » l’uranium en isotope 235, de façon à disposer d’un combustible plus efficace pour les réacteurs à eau, et de façon aussi à fournir l’armée en uranium très enrichi pour la bombe. L’uranium résiduel est dit « appauvri » (car il contient moins de 235, et plus de 238), il est tout aussi radiotoxique, et son utilisation en tête d’obus contamine à très long terme les zones de combat en Irak ou ailleurs.

Il a fallu ensuite concevoir le « retraitement », destiné à extraire le plutonium qui s’est formé dans le combustible usé dans les réacteurs. Après avoir été expérimenté à Marcoule, c’est l’usine de la Hague qui assure cette tâche pour fournir le militaire, et le civil.

Pourquoi le nom de « réacteur à neutrons rapides » ?

Dans les réacteurs à eau, celle-ci joue le rôle de modérateur à neutrons, tout en refroidissant le cœur. Dans les RNR tels Phénix, Superphénix ou Astrid, n’y a pas de ralentisseur de neutrons.

La puissance et la chaleur dégagée par un tel réacteur ne peut être extraite que par un métal liquide. Le sodium a été sélectionné pour ses capacités neutroniques (transparence aux neutrons), ses propriétés thermiques (capacité calorifique, plage de températures d’utilisation) et son faible coût : il est obtenu par électrolyse du sel (NaCl). En outre, à 400°C, sa viscosité est voisine de celle de l’eau, ce qui facilite l’interprétation des essais hydrauliques réalisés sur maquettes en eau. Enfin, il fond à 98°C, et bout à 880°C, ce qui offre une grande plage de fonctionnement à l’état liquide de près de 800° sans pressurisation.

Pourquoi le Mox pose-t-il problème?

La France dispose du plutonium retraité à la Hague dont elle ne sait que faire. Elle se tourne alors vers la fabrication du Mox à partir des années 90, à Cadarache et à Marcoule. Elle l'impose à EDF, qui n'est pas enthousiaste, afin de justifier le maintien de la filière aval du cycle de combustible et la poursuite du retraitement des combustibles irradiés à La Hague. Actuellement, seule au monde, l’usine Melox de Marcoule en produit.

Ce choix a été uniquement décidé par les technocrates, sans consultation du parlement. Un seul rapport d'information est présenté en 1990 ! Curieusement d'ailleurs, les décrets d'autorisation autorisant l'utilisation du Mox ont été pris bien avant l'échec de Superphénix, comme si d'importants décideurs n'avaient qu'une confiance très limitée dans l'avenir de la surgénération et envisageaient un terrain de repli pour la filière plutonium et l'usine de retraitement.

Le Mox est constitué d'un mélange d'oxydes de plutonium et d'uranium appauvri contenant 5 à 8% de Plutonium. Il est utilisé actuellement dans 21 réacteurs des centrales 900MW, les plus anciennes, pour un tiers de leur combustible, et l'EPR pourrait fonctionner à 100% de Mox (la Finlande a choisi de continuer avec le combustible classique pour le sien). Il n'est donc pas indispensable.

L’avantage pour Areva d’imposer à EDF d’alimenter en mox les réacteurs est, dans l'immédiat, de faire diminuer le stock de plutonium (près de 90 tonnes actuellement): l'EPR moxé à 100% serait susceptible de consommer 3 tonnes de plutonium par an, et cela justifie ainsi de poursuivre le retraitement à la Hague. Cela permet d’utiliser aussi les stocks d'uranium appauvri issu de l'usine d'enrichissement de Tricastin.

Mais cette technologie présente d’énormes Inconvénients, et EDF n’en voulant pas à priori, se l’est vu imposée par un arbitrage gouvernemental (Rocard), malgré les risques, difficultés et augmentation des coûts engendrés par cette technologie. Outre son extrême dangerosité, la qualité du plutonium se dégrade dans le temps, formant d'autres isotopes moins fissiles qui rendent la conduite du réacteur plus délicate. Les pastilles de Mox sont plusieurs milliers de fois plus radioactives que celles d'uranium, rendant la fabrication, les manipulations et les transports plus dangereux. A la sortie du réacteur, il émet plus de radioactivité et de chaleur que le combustible classique, et il faudra attendre 60 à 100 ans avant de le conditionner comme déchet! Enfin, le Mox rentre en fusion beaucoup plus rapidement ( ce qui est arrivé au réacteur N°3 de Fukushima et du plutonium a été dispersé aux alentours!).

Pour finir, l’avenir du MOX n’a rien à voir avec le débat actuel sur l’arrêt du nucléaire. La France peut arrêter sa production sans réduire celle d’électricité. L’arrêt de la filière du plutonium est une exigence absolue.


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* « Immense arnaque d’extrême dangerosité- Iter » Janv 2012  :

https://www.mcca-ain.org/2012/index.php?post/2012/01/09/Une-immense-arnaque-d-extreme-dangerosite-Iter-par-Pierre-Peguin

** Observatoire du nucléaire « Réacteurs nucléaires "de 4ème génération" le grand bluff ! » : http://observ.nucleaire.free.fr/