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La Franco-Américaine de Constructions Atomique

La Franco-Américaine de Constructions Atomique (Framatome) fut créée en 1958 par le Commissariat à l'Energie Atomique en lien avec les groupes états-uniens Schneider (dont le futur Président de la République française V.Giscard d'Estaing fera parti de la famille)*, Merlin Gerin et Westinghouse Electric, en vue d'exploiter en France la licence nord-américaine "Westinghouse" de construction de réacteurs nucléaires à eau pressurisée. Royalties-redevance dont EDF s'est libérée il y a quelques années à peine. Singulière et véridique illustration du mensonge de pseudo indépendance nationale qui fut bassiné à la population française pendant un demi-siècle. Le nucléaire tricolore est en fait états-unien. Mensonge à l'image de celui de la pseudo bombe atomique purement tricolore dont les plans d'allumage ont été fournit par ... la Grande-Bretagne.

DeGaule-Truman_aout-1945.jpgL'accord franco/états-unien signé en février 1959 permettait alors au pouvoir français du chef militaire De Gaulle de jouer son rôle dans la guerre contre les "rouges" et l'URSS. EDF qui tentait vainement de développer une filière nucléaire spécifique "Uranium naturel graphite gaz" (UNGG) avec un premier réacteur  atomique construit à Chinon (département d'Indre-et-Loire aujourd'hui en région Centre-Val de Loire) se voyait propulsé ainsi exploitant en titre, sous la houlette du maître d'oeuvre Framatome, d'une stratégie qui prévoyait l'implantation en France de pas moins de ... 150 réacteurs nucléaires**. Les experts pro-atomistes et chefs de guerre occidentaux se pâmaient hilares et secrets dans le délire mégalomaniaque sous les auspices de la bannière étoilée. Bien loin de l'indépendance nationale et énergétique proclamée officiellement.

Mais des années 1970 et jusqu'au début des premières années 80 ce seront au total 58 réacteurs qui constitueront, sur les deniers publics, le parc nucléaire français dit "civil" produisant en fait le plutonium et le tritium nécessaires à la bombe atomique, le plus important au monde par tête d'habitant. Beaucoup moins que prévu mais beaucoup trop puisque, par contre-coup, en état de sur-production d'électricité. Un grand plan de conditionnement des français va alors être lancé pour le "tout électrique" (chauffage, électricité,...) seul capable d'absorber cette sur-production non-maîtrisée. Fatale production atomique qui allait, pour des décennies sans fin, rendre le pays dépendant à 75% du nucléaire et hypothéquer tout autre alternative tout en générant des déchets mortels pour les générations suivantes pendant des centaines de milliers d'années.

Manoeuvres financières sans fin du début jusqu'à aujourd'hui

En 1992, Framatome est détenue à 42 % par Alcatel-Alsthom, à 36 % par le CEA, EDF et le Crédit Lyonnais. Quatre ans plus tard, en 1996, alors que la construction des derniers réacteurs nucléaires français s'achevait à Chooz (département des Ardennes en région Grand Est.) et Civaux (département de la Vienne en région Nouvelle-Aquitaine), Alcatel-Alsthom possédait 44 % de Framatome, mais c'est l'État français qui contrôle de fait le groupe via le Commissariat à l'énergie atomique (36 %), EDF (11 %), et le consortium de réalisation (CDR, chargé de vendre des actifs du Crédit lyonnais) qui détient 4%.

Areva-LaDefense.jpgFusionné en 2001 avec la "Cogema" ("Compagnie Générale des Matière Atomiques" filiale du Commissariat à l'Energie Atomique) qui exploite les mines d'uranium et fabrique les produits de fission nucléaire ("combustible") et avec "CEA Industrie" spécialiste du nucléaire militaire et civil, Framatome va prendre le nom de Areva. Framatome qui s'était allié sans grand succès six ans plus tôt en 1999 à l'allemand Siemens qui reprit vite ses billes constatant des difficultés techniques et de gouvernance sans nom et voyant se profiler le fiasco.

Depuis ses origines militaires la filière atomique française a vécu aux crochets des contribuables et n'a cessé d'imposer sa loi à l'ensemble de la société tout en se livrant à un véritable racket des deniers publics au détriment des autres missions de l'Etat.

Pourquoi EDF redonne le nom de Framatome à sa nouvelle filiale nucléaire ? Le grand pas en arrière

La filiale de construction des réacteurs et de production des produits de fission atomique de l'ancien groupe nucléaire Areva (baptisée temporairement "NewNP") est désormais une filiale d'EDF. Neuf milliards d'euros à la clef octroyés par l'Etat et prélevés sur les autres budgets en drastique restriction (Santé, Education, Culture,...). Pour sauver le Titanic atomique tricolore du total naufrage. Et tenter de faire oublier les malversations et autres tripatouillages de dossiers de fabrication, défectuosité et problèmes de qualité des pièces fabriquées pour les réacteurs nucléaires (dont celles du futur EPR de Flamanville), les dépassements exorbitants de budgets prévisionnels (de 3 à 9 milliards), les retards liés aux impréparations et non-maîtrise de l'ingénierie rattachés au nom d’Areva.

areva-np_Creusot-Forge_Framatome.jpgEDF a donc choisi de faire un grand pas en arrière et de baptiser sa dernière née du nom qu'elle portait il y a plus de... 16 ans, avant la création d'Areva en 2001, Framatome ! Nostalgie des aficionados de la destruction atomique et du petit cercle des dignitaires de l'Ecole Polytechnique qui exerce sa mainmise sur l'Etat, les cabinets ministériels, les administrations, les Conseils d'administration de nombre de sociétés publiques et privées.

Cette nouvelle et déjà vieille entreprise-filiale est détenue depuis le 1er janvier 2018 à 75,5% par EDF avec la complicité du japonais "Mitsubishi Heavy Industries" (19,5% du capital) impliqué depuis 2007 aux côtés de Areva dans une coentreprise (ATMEA) de développement d'un modèle de réacteur nucléaire à eau pressurisée de moyenne puissance plus facilement refourgable aux pays "pauvres" et aux côtés de  "Assystem" (5% du capital) impliqué au niveau de l'ingénierie dans l'armement (Airbus Group, Alstom, Thales) et les projets nucléaires de l'EPR à Flamanville et de Okiluoto en Finlande (importants retards et surcoûts) ou de celui de Taishan en Chine.

De quoi trembler : on prend les mêmes et on recommence

ED-Framatome revendique dans un communiqué "un savoir-faire qui s'est forgé tout au long de l'histoire de l'entreprise, et qui a permis de bâtir de grands succès industriels en France comme à l'international". On tremble. D'autant que la filiale se trouve impliquée sur plus de 250 réacteurs (vieillissants pour certains, en retard de construction pour d'autres, en annonces jamais concrétisées pour les derniers) dans le monde.

640_doc_fiche_incident_qualite_falsifie_fessenheim_cdr.jpgDécidée en juin 2015 par les précédents gouvernements Valls-Cazeneuve-Hollande la reprise des activités défaillantes des réacteurs nucléaires d'Areva par EDF redevenue "Framatome" voit porter à sa tête des hommes d'expérience et porteurs de l'avenir. Qu'on en juge :

. Bernard Fontana ancien Président de ArevaNP (6.000 dossiers suspects de falsification à l'usine Areva-Creusot sont toujours en cours d'enquête) et ancien patron du cimentier suisse Holcim devenu Holcim-Lafarge impliqué dans le financement de Daech et spécialiste des pollutions déguisées (1), auparavant passé par ArcelorMittal (en 2008 le Conseil français de la concurrence a infligé une amende totale de 575,4 millions d'euros – un montant record – à onze entreprises de la sidérurgie, dont 301,7 millions à trois filiales d'ArcelorMittal, pour entente sur les prix) et Aperamest; il est nommé président du directoire et CEO/PDG de la société;

. Philippe Braidy est nommé directeur général et membre du directoire. Ancien de l’Ecole polytechnique il a fait l'essentiel de sa carrière dans le "pantouflage", cette alternance, passant du privé au public, des ministères au pilotage d'entreprises d'Etat : Directeur financier du CEA (1995 -2003) et de CEA–Industrie (1995-2001), Directeur du développement territorial et du réseau à la Caisse des Dépôts , Membre du conseil de surveillance d’Areva (2001-2003) , Directeur délégué aux affaires financières du Centre national d’études spatiales (CNES) en 2003, Directeur du cabinet du ministre délégué à la Recherche, Directeur  adjoint  du  cabinet  du  ministre  de  l’Economie  des  Finances  et  de l’Industrie notamment auprès de Thierry Breton au ministère de l'Économie et, conjointement,  directeur  du  cabinet  du  ministre  délégué  à l’Industrie (2004-2005), Chef du service de l’audit interne du groupe Caisse des Dépôts en 2005-2006 (2).

Si les autres activités de l'ex-Areva centrées quant à elles sur le cycle de l'uranium de l'extraction à son retraitement (nommé provisoirement "NewCo) dont le nom définitif sera connu prochainement, suivent la même logique moderniste et de prospective débridée et audacieuse : la pièce de théâtre risque de connaître bien des rebondissements même si le final est déjà inscrit, dramatiquement, dans le scénario initial.

Jean-Pierre Seignon

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* Valéry Giscard d'Estaing se marie en décembre 1952 avec Anne-Aymone dont la grand mère paternelle était Marguerite Schneider. Valéry est désormais un cousin des Schneider par alliance. Inspecteur des finances par ailleurs, il va côtoyer dans les réunions de familles déjà, le grand patron Charles Schneider désormais "son oncle", pendant 8 ans. C'est l'époque où Charles Schneider crée Framatome avec Westinghouse (1958), ainsi que Brevatome avec EDF et le CEA (1959).  De 1960 à 1969 le groupe industriel est dirigé par la tante d'Anne-Aymone, et de Valéry par alliance, Lilian Schneider. Un événement d'importance et d'espoir pour le groupe a lieu en 1961/62 : commence la construction du réacteur nucléaire prototype 350 MWé de Chooz commandé à Framatome/Schneider - contrat clé en main - par EDF et  le belge Electrabel (SENA). Le réacteur démarre en octobre 1966. Quinze mois après son démarrage, on évite la catastrophe nucléaire d'un très étroit cheveu mais la chose a été gardée très discrète. En même temps de son coté Valéry a grimpé vite les échelons : de 1959 à 1962, il est Secrétaire d'État au ministère des finances puis, de janvier 1962 à décembre 1965, il est le ministre des finances du gouvernement Pompidou. Nouvelle réalisation, sur le territoire belge cette fois, encore une signature franco belge (SEMO SA, 50% EDF) en 1968 pour un réacteur atomique plus gros, de ~ 900 MWé, à Tihange, à moins de 100 km de Chooz. C'est encore un REP Westinghouse avec la cuve Framatome/Schneider (début des travaux 1970). Avec ces réalisations dans la musette, le groupe Framatome/Schneider est dans les starting blocs, à l’affût... Valéry est alors Ministre des finances de juin 1969 jusqu'à mai 1974 dans les gouvements Chaban Delmas et Messmer. (cf plus de détails : http://nanodata.com/sdn76/doc/Les-Giscard-dEstaing-du-lobby-colonial-au-lobby-nucleaire.pdf )

** https://fr.wikipedia.org/wiki/Commission_PEON

(1) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Holcim

(2) http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/evenementiel/ruralite/CV_Philippe_Braidy-1.pdf