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Le naufrage financier du « champion » du nucléaire français

Les 4,9 milliards d’euros de pertes que le groupe Areva vient d'annoncer sonnent le glas de ce que la presse bien-pensante présentait comme le fleuron technologique et financier tricolore du nucléaire mondial. Ce montant exorbitant dépasse même le montant de la capitalisation boursière du groupe nucléaire public-privé qui est de 3,7 milliards d'euros. Si en 2013, les pertes étaient déjà de 500 millions (ce qui était déjà beaucoup) en 2014 le gouffre s’est approfondi de 880%, d'un facteur 10, frôlant donc les 5 Mds d'€.

2014_Areva_chute-cours-boursier.jpgTous les signaux « objectifs » si chers aux tenants de la logique capitaliste sont au rouge : le chiffre d'affaires en recul de 8% sur l'ensemble de l'année 2014, l'action Areva à la bourse de Paris ne vaut aujourd'hui plus que 9 euros soit quasiment 90% de pertes (voir notre article "c'est la chute finale » du 1er janvier 2015) et le groupe perd encore aujourd'hui 1,2 % en bourse, le marché d'Areva est aujourd'hui 40% ou 50% inférieur aux projections que le groupe avait faites (après le premier plan de restrictions lancé en 2012 par Luc Oursel, Areva est resté accroché à des « business plans » irréalistes), le fiasco technique et financier du réacteur EPR d'Olkiluoto 3 en Finlande oppose le groupe à ses propres clients (T.V.O) qui lui réclament à présent 2 milliards de dédommagement tandis que la facture globale de ce réacteur virtuel explose du double des prévisions à 7,4 milliards (Areva ne donne même plus de date de fin de chantier ou de mise en service qui accuse déjà un retard de 6 ans), la perte essuyée de 4,9 milliards en 2014 et qui représente plus de la moitié de son chiffre d'affaires de l'année est la quatrième consécutive depuis 2011, Areva voit sa notation dégradée en catégorie spéculative tandis que son « cash-flow » est passé dans le rouge.

En décembre 2014, le banquier-ministre Emmanuel Macron avait fait discrètement racheter par l'État 27,4 millions d'actions Areva à 30% au dessus de leur cotation, gaspillant déjà 334 millions d'euros d'argent public (*).

Et Areva est également en contentieux avec le CEA (commissariat à l'énergie atomique) sur le projet du réacteur nucléaire de recherche « Jules Horowitz » (RJH) qui est en construction à Cadarache (Bouches du Rhône) sur une faille sismique. Le coût initial a déjà au moins doublé, atteignant à ce jour plus d’un milliard d’euros. Ironie lugubre illustrant les imbroglios nucléocrates : le CEA est l'actionnaire majoritaire à 54% de … Areva !

L’ampleur des dégâts : un sinistre sanitaire, humain, industriel et financier

Le groupe et ses dirigeants successifs, d'Anne Lauvergeon à Luc Oursel, se sont longtemps voilés la face sur la crise qu'ils avaient provoquée et qu'ils devaient affronter. Que ce soit au niveau des incidents nucléaires à répétition sur leurs installations (voir notre article) qu'au niveau de la stratégie d'entreprise. Et pour cause puisqu'ils sont issus d'un même moule d'auto-promotion et d'auto-gratification et portés par le même fanatisme idéologique mortifère et que ce sont eux qui décident, en fait, de la politique énergétique du pays.

Ainsi, au fils des ans et de leur propagande et noyautage des institutions, ils ont créé de véritables impasses stratégiques à l'image de la rupture du lien historique avec EDF et des rapports capitalistiques fournisseurs/clients; ils ont décidé d’investissements hasardeux et purement spéculatifs tels l'achat d'Uramin ou encore ceux, ruineux, aux USA pour construire des réacteurs... qui ne verront jamais le jour, ils ont fixé et annoncé des objectifs relevant plus du club de poker-menteurs que de « managers expérimentés » tels la vente certaine- jurée-crachée de pas moins de dix EPR d’ici à 2016 alors que l’EPR finlandais révélait que cela était au-dessus des compétences d’Areva,... Ils ont fait fi du réel et se sont enfoncés un peu plus chaque jour dans le déni. Entraînant avec eux les salariés et le pays.

Comme la coordination antinucléaire du sud-est le démontre depuis des années, la réalité a toujours été autre malgré les campagnes idéologiques délirantes d'Areva menées en direction de l'appareil d’État, des élu-es et de la population.

Alors que partout dans le monde, au delà des effets d'annonces à répétition, le nucléaire est en perte de vitesse depuis plus de dix ans (il y a moins de réacteurs nucléaires en service aujourd'hui qu'il y a 20 ans), que depuis le début de la catastrophe nucléaire mortelle de Fukushima le « marché de l’atome civil » est - comme disent les experts et autres spécialistes – dégradé (les produits de fission atomique ne se vendent guère plus), Areva a préféré dans une forme d’aveuglement opter pour la fuite en avant avec la complicité des gouvernements successifs.

Comme si l’on était déjà sorti de l’« hiver nucléaire » post-Fukushima, que la terrible impossibilité de traiter les déchets radioactifs était résolue, que les victimes – malades et morts- de la radioactivité n'allaient pas continuer à augmenter, que l'épineux problème du démantèlement des installations nucléaires était maîtrisé, que les mines d'uranium telle celles du Niger étaient sous domination colonialiste ad vitam æternam et ne provoquaient pas de drames sanitaires et environnementaux, que les peuples ne s'opposaient pas de plus en plus à la destruction atomique, que la Terre en souffrance de la dictature financière sur toutes les activités humaines et le bien commun ne se rebiffait pas.

La « grande presse » brûle ses idoles ?

Les médias locaux dopés depuis des décennies au nuk et incapables de voir le réel, affirmaient il y a peu, tel France3 Languedoc-Roussillon, que si mal être et incertitude il y avait " l'angoisse des salariés d'Areva ne repose aujourd'hui que sur des rumeurs" (1).

Depuis, le ton à changé et est bien loin du prétendu "grand retour du nucléaire" que la grande presse alignait servilement à ses "unes" accompagnées d'une vénération sans borne pour la Présidente d'Areva où les reportages complaisants sur Anne Lauvergeon, surnommée "Atomic Anne" voire même "La femme la plus puissante du monde", le disputaient aux portraits dithyrambiques.

A présent - puisque ce sont les « marchés » et les financiers eux-mêmes qui le disent- la presse est contrainte de se faire le porte-parole du naufrage annoncé. Pour « Les Echos » : « l’avenir d’Areva est en jeu » et le fleuron national est en « état d’urgence », « en fusion », Areva « frôle le précipice », « c'est l'avenir de l'ensemble du pôle nucléaire Français qui se joue ». Pour « Capital.fr » il s’agit vraiment de « pertes astronomiques », d’un « montant pharaonique », tandis que « Le Monde » parle d'« Un Fukushima industriel » qu'« Areva est aujourd’hui comme une centrale nucléaire dont le cœur est en fusion et l’enceinte de confinement prête à céder » à cause « des choix désastreux » . De son côté le site spécialisé Boursier.com évoque les pertes liées aux « contrats dont la réalisation a complètement déraillé, à l'image du chantier finlandais de l'EPR d'Olkiluoto 3 ».

Petite histoire du petit monde nucléariste : c'est pire que « Dallas »

En 2001, en fusionnant la Franco-Américaine de Constructions Atomiques (Framatome) créée le 1er décembre 1958 par plusieurs sociétés des groupes Schneider, Merlin Gerin et Westinghouse Electric (2) et la Cogema (Compagnie générale des matières atomiques) pilotée par le CEA, le pouvoir rallié à l'idéologie libérale débridée sous les auspices et le diktat de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce), s'inscrivait dans la stratégie du tout fric, profit maximal et mondialisation à outrance. La création d'Areva - un joli nom pour une basse besogne atomique – venait d'être actée. L'idée était de construire un groupe sur le modèle du secteur privé mais toujours contrôlé par l'Etat et le « corps des mines » qui réunirait depuis la mine d'uranium à l'étranger jusqu'au démantèlement des installations nucléaires  également la conception des réacteurs, la fabrication des îlots nucléaires, la fourniture des produits radioactifs de fission, le conditionnement, le possible et infime recyclage des matières radioactives usées. Bombe, armements atomiques, business capitaliste et projets nucléaires délirants obligent.

2015-01-08_Areva-structure-actionnariat.jpgLes entités publiques deviennent donc une structure d'actionnaires (3) permettant l'ouverture au capital privé pour répondre aux principes du néo-libéralisme et bâtie autour de l'ancien organisme chapeautant la bombe atomique et le nucléaire français. Le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) est donc propulsé actionnaire majoritaire (54%), tandis que l’État directement en tant que tel détient 29% et qu'EDF, lui-même détenu à 84% par l’État, prend 2,24% du capital, la Banque Publique d'Investissement (BPI-France Participations) dont la majorité du capital et du droit de vote au Conseil d'Administration est détenu par la « Caisse des dépôts » et l’État entre aussi au capital pour un peu plus plus de 3,30%. Et pour faire bonne mesure Areva se prend une part du capital (0,22%) directement et indirectement (0,22%) via sa structure Framepargne contre laquelle l'ancien Pdg d'EDF a porté plainte après que celle-ci ait porté plainte elle-même contre lui (5). Ça flingue un max dans le nucléaire...

L’État (conseillé par l’Énarchie et le petit monde du « corps des mines » et de « polytechnique », les agents du monde nucléaire) contrôle ainsi, directement et indirectement, près de 87 % du capital d'une société piloté par ces mêmes agents du monde nucléaire : c'est le verrouillage et le serpent qui se mord la queue. Certains évoquent même de possibles conflits d'intérêts (4). D'autant que pour faire bonne mesure, des clients potentiels sont conviés aussi au festin tel le fond d'investissement koweitien KIA (Kuwait Investment Authority) qui prend 4,82% du capital, ou bien encore une société pétrolière à haute production de CO2 et gaz à effets de serre telle « Total » à près de 1%. Le reste du capital étant offert aux salarié-es – histoire de bien les intégrer à leur propre exploitation – et au public souhaitant spéculer et accumuler, sans rien faire, du capital.

Mais comme depuis le 30 mai 2011, l’intégralité du capital d’AREVA est cotée sous forme d’actions : ce sont en fait les « marchés financiers » et les spéculateurs qui décident du sort de l’État.

Avec sa perte 2014 supérieure à ses fonds propres, Areva pourra donc difficilement échapper, pour survivre, soit à une liquidation/vente de ses « bijoux de famille » (6) soit à une recapitalisation par l’État c'est-à-dire les contribuables. A moins que la descente aux enfers ne soit l'occasion de vendre ce qui a encore un peu de valeur, de liquider cette entreprise et son nucléaire, de se repositionner uniquement dans le démantèlement des installations nucléaires mondiales (mais personne au monde ne sait vraiment faire) et dans les énergies renouvelables (mais sommes-nous encore à l'âge des super-structures centralisées au pied d'argile?). De toutes façons une chose est sûre : sans abandon immédiat du nucléaire se sont les salariés et les contribuables qui vont trinquer tout en augmentant la dette du pays. Vont-il l'accepter sans broncher ? Pas certain non plus que "Bruxelles" valide.

Ils se présentaient comme de très grands gestionnaires : c'est l'échec et l'entêtement sans avenir

Areva prévoit déjà un nouveau plan d'austérité baptisé pudiquement « plan de compétitivité » de 1 milliard d'euros sur trois ans (« Les Echos » du 3 février) qui imposera notamment des suppressions de postes. Et pour la ministre actuelle de l'atomisme (pardon : de l'environnement), Ségolène Royal, la préoccupation est de «  constituer une filière forte du nucléaire en créant des synergies et cela, c'est très nouveau (!), entre EDF, Areva et le Commissariat à l'énergie atomique ». On est dans le mur, le précipice est là, le nucléaire est dépassé et sans avenir, mais les délires nucléocrates se poursuivent. Et ce n'est que le début car d'autres grotesques projets pharaoniques et irréalistes vont inéluctablement suivre tels ITER et sa fusion nucléaire à Cadarache (Bouches du Rhône) ou bien encore Astrid et sa tentative de relance de la filière au plutonium de type super-phénix à Marcoule (Gard), et d'autres encore.

Certains au sein d'Areva évoquent l'abandon du projet d’usine de conversion Comurhex II - conversion d'uranium et première étape de la transformation du minerai en produits de fission nucléaire - des sites de Tricastin et de Malvési. Le projet qui a été lancé en 2007 avec une enveloppe de 610 millions d'euros d'investissements est, sept ans plus tard, toujours en cours mais son coût dépasse à présent le milliard d'euros. Areva va être contraint ainsi à une dépréciation massive de plusieurs centaines de millions d'euros.

D'autres, parmi les techno-scientistes et cabinets ministériels, pensent qu'Areva NC - qui n'est autre que l’ancienne Cogema, spécialisée dans le cycle de l’uranium mines, enrichissement, retraitement – devrait être séparée du reste du groupe. Resterait alors Areva NP, l’ex-Framatome, qui regroupe la conception de réacteurs et la chaudronnerie nucléaire, qu'il faudrait rapprocher d’EDF soit comme patron soit comme client. Mais peut-on « demander à l’électricien de passer des commandes à perte, uniquement pour soutenir l’industrie nationale ?» tempère de son côté une source syndicale. Et que faire des activités restantes et du nucléaire militaire : le réintégrer dans le CEA ? Ce serait le retour à avant la fusion de 2001. Bel exploit ! En fait il n'y a plus ni projet industriel, ni perspectives économiques et financières, ni d'avenir nucléaire.

La réalité rattrape les en-fumeurs du "nucléarisme" et du libéralisme sauvage

Les chiffres sont impitoyables pour ceux et celles qui se vautrent depuis des décennies dans un aveuglement fanatique : la part du nucléaire dans l'électricité mondiale s'est effondrée continuellement depuis des années passant de 17% en 2001 à 9% à aujourd'hui. Et sur les 430 réacteurs nucléaires en service il y a encore dix ans, n'en subsistent à présent que 390 (7). C'est beaucoup trop encore pour la sécurité et la vie sur Terre mais ce mouvement de déclin va continuer. D'autant que la majorité d'entre eux a atteint ou va atteindre les 30 ans, âge de leur durée d'amortissement comptable mais dont la durée de vie technique initiale établie par les concepteurs était de 20 ans. Poursuivre leur exploitation au-delà de cette limite d'âge technique reviendrait à décider de provoquer sciemment une catastrophe nucléaire et l'assassinat des terriens.

Et ce ne sont pas les trois réacteurs EPR bradés à perte comme en Finlande (3 milliards pour un coût réel de plus de 10 milliards) ou en Chine (2 îlots nucléaires d'EPR pour moins de 5 milliards) qui pourront donner le change encore longtemps. Et l'EPR construit par EDF en France à Flamanville ne se porte pas bien non plus (retards à répétition et coût en explosion). Là encore la pudique «  marge nette négative », de son vrai nom « perte financière », a du mal à être chiffrée complètement ( Les Echos, 24 février 2015 : http://bit.ly/1FSbgVw). Ainsi, aussi du point de vue industriel, rien ne justifie de renflouer Areva.

Salarié-s et syndicats face au menaces sur le revenu, sur l'emploi, au problème de formations et d'affrontement de classes

Ils sont inquiets, les salariés d'Areva. On les comprend. Habitués à entendre un discours patronal de survalorisation de leur rôle dans l'économie et d'une prétendue supériorité de la la technicité tricolore, de propagande à laquelle ils se sont peu à peu laissé assimiler, de petits avantages "donnant-donnant" pour les syndicats intégrés à des organes pseudo-participatifs et à la croyance erronée qu'ils cogéraient l'entreprise, d'assurance claironnée d'une illusoire garantie d'emploi leur permettant de s'engouffrer dans la sur-consommation matérielle et la propriété privée.

Certains allaient même jusqu'à bomber le torse face à ces autres pignoufs de salariés du privé ou ceux de la fonction publique sous-payée. Ils ont tant cloné l'idéologie et les comportements arrogants de leur patron-exploiteur qu'ils en étaient venus à croire à leur propres petits accommodements avec la réalité de la lutte de classe.

2013-05-29_Greve-salaries-Tricastin_Areva-Mafia.jpgÉvidemment il y avait les salariés sous-traitants qui avaient fini par contraindre les syndicats à prendre en compte leur sur-exploitation. Mais les "statutaires" continuaient au fil des années à se sentir "supérieurs" à ces nomades, autant dire à ces SDF et moins que rien. Pourtant ce sont bien eux qui se tapent souvent le sale boulot, celui le plus exposé, où les doses de radioactivité sont sans pitié, celui où on y laisse sa santé et sa vie.

Alors les salarié-es d'Areva se sont laissés aller à la compromission (comme bien d'autres malheureusement) et à la douce berceuse manipulatoire du management. Adaptée pour chaque catégorie : qui les cadres, qui les techniciens, qui les commerciaux, qui les "concepteurs", qui les "ouvriers", qui les nouveaux diplômés.

D'autant plus facile que dans les régions où l'entreprise s'implantait régnait le chômage et elle offrait l'aubaine de "pouvoir s'en sortir". Alors on mettait son mouchoir sur le fait qu'il s'agissait quand même de nucléaire et de radioactivité mortelle.

On s'est retrouvé à habiter les mêmes villages, à bénéficier des mêmes prêts intéressants pour l'accès à la propriété, à adopter les mêmes modes de vie et de consommation, à posséder les même modèles de voitures, à scolariser les enfants dans les mêmes écoles pas toujours publiques, à fréquenter les mêmes lieux, à avoir les mêmes loisirs, et pour certains à diriger le même type d'associations locales, à se faire élire dans les assemblées locales et départementales. Un repli communautariste dangereux.

On a tant fait corps avec son "protecteur" qu'on en a oublié l'antagonisme entre ceux qui possèdent les moyens de production et ceux qui doivent vendre leur force de travail manuel ou intellectuel pour subsister.

Et comme l'oubli ne vient jamais seul, on a développé un tel corporatisme qu'on a glissé peu à peu vers ce qui se fait de pire : l'exclusion des autres jusqu'à, pour un certain nombre, voter extrême-droite. Bien sûr, pas tous, pas toutes. Et certain-es ont su résister aux sirènes patronales et à l'idéologie nauséabonde. Mais, aujourd'hui, les syndicats qui ont accompagné majoritairement cette intégration mentale (tout en se battant pour préserver les "avantages acquis" corporatistes) prennent de plein fouet le choc qu'ils n'avaient pas même envisagé, convaincus que le nucléaire et leur situation était durable. Évidemment depuis la privatisation rampante on avait des doutes mais cela finissait par passer.

C'est, pour les syndicats comme pour les salarié-es, une occasion inespérée de requestionner leur logiciel de collaboration. Dans la douleur c'est certain. Vont-ils le faire et s'émanciper ou bien rester sur leur ligne et sombrer corps et âme avec le radeau sans avoir éclairé d'un iota les enjeux fondamentaux de classe et dresser un avenir non-irradiant ?

Ils ne comprennent donc pas trop ce qui leur arrive. Et la rancœur peut se substituer dangereusement à la lucidité. Pourtant tout cela était inscrit depuis le commencement de cette tranche d'histoire aux côtés aussi sinistres : la bombe atomique et les essais nucléaires mortels, les rejets radioactifs quotidiens générant maladies et morts, les catastrophes nucléaires et les morts, la poursuite du nucléaire ne tenant que par un subventionnement déguisé permanent de l’État c'est à dire des contribuables. Sinon le nucléaire, en tant qu'activité commerciale, n'est pas rentable. C'est un fait.

CAN84_marche-antinucleaire-pour-la-vie_Bollene_Tricastin_012.JPGLes antinucléaires qui sont allés régulièrement à la rencontre des salarié-es d'Areva (comme de ceux d'EDF et du CEA) sur leurs lieux de travail à Cadarache, Marcoule et Tricastin tiraient pourtant depuis plusieurs années la sonnette d'alarme. Il fallait (et il faut) arrêter immédiatement les activités nucléaires pour des raisons sanitaires et de santé publique évidemment - et sans attendre une quelconque et illusoire transition écologique - mais aussi pour l'avenir même des salariés et de leurs familles.

Areva pourra toujours jouer sur la pyramide des âges avec près de 20% des effectifs qui a plus de 50 ans. Ils partiront à la retraite sans faire de bruit d'autant qu'un bon nombre devra soigner son cancer ou celui de l'un de ses proches. Et si les anciens partent sans transmettre pleinement à ceux qui restent les savoir-faire et petits « bricolages » opérés au fil du temps sur les installations nucléaires : on ne peut que craindre encore plus pour la sécurité. D'autant que les restrictions budgétaire vont inéluctablement conduire à rogner sur tout : personnels, conditions de travail, sécurité. La direction d'Areva a déjà confirmé en janvier 100 suppressions de postes dans l’activité de recyclage de l’usine de La Hague. Pour Areva fini aussi les campagnes publicitaires d'embauches et les caravanes de racolage de jeunes car il ne s'agit plus à présent de promouvoir de projet d'entreprise d'avenir. Pas sûr non-plus que toutes les factures soient honorées...

Il y a encore quelques mois la coordination antinucléaire du sud-est et le CAN84 démontraient aux intéressés la nécessité d'exiger de leur direction des formations de reclassement, de haut niveau, sur la base de leurs propres souhaits et perspectives, leur permettant de se repositionner professionnellement et humainement. Parmi les salariés ils ont été quelques-uns à percevoir cette réalité et cette nécessité. D'autant plus que Tchernobyl avait déjà frappé cruellement et que Fukushima, depuis, illustrait l'inévitable catastrophe à venir en France (confirmée devant l'assemblée nationale par le Président de l'Autorité de Sûreté Nucléaire de l'époque, André-Claude Lacoste). Des territoires entiers inhabitables, des enfants qui de plus en plus pissent la radioactivité, des milliers de travailleurs jetés au chômage. Seule la volonté fanatique de posséder la bombe atomique justifie aujourd'hui le maintien du nucléaire (destruction atomique). Et de l'aveu même des spécialistes en investissements financiers et rentabilités financières : le nucléaire n'a plus aucun avenir(8).

Avec l'arrêt immédiat du nucléaire : du boulot il y en aura, et pendant des décennies. Pour surveiller la sécurisation des installations arrêtées, établir un plan national de possible démantèlement des sites et réacteurs après baisse suffisante de la radioactivité, surveiller les milliers de tonnes de déchets radioactifs (pendant des millénaires), développer des équipements décentralisés et propriété commune de production d'énergies alternatives, réhabiliter et améliorer l'isolation de tous les bâtiments sur-consommateurs d'énergie, protéger la planète et ses habitants.

Et pendant ce temps-là...

Selon le site atlantico.fr, en marge de la décrépitude, la Brigade financière qui enquête sur l’affaire Uramin a mis la main sur une lettre, signée en septembre 2010, dans laquelle Avi Pazner, porte-parole de Benjamin Netanyahou (1er ministre d'extrême-droite de l'Etat d'Israel), s’engage à faire son possible pour convaincre le gouvernement israélien de soutenir le projet d’Areva de centrale nucléaire en Jordanie. Il aurait touché d'Areva au minimum 585 000 euros entre 2010 et 2013 et en échange de ses services, Areva aurait promis de lui verser 1 million d’euros pouvant même être doublée si un "investisseur" anonyme participait au projet français. La justice française enquête.

Pendant ce temps là Areva vient de porter plainte contre la coordination antinucléaire du sud-est qui a eu le tort de dénoncer des versements par Areva à la municipalité d'Avignon ,et vient de perdre le procès qu'elle intentait contre « l'Observatoire du nucléaire » qui avait osé révéler le versement par Areva d'une grosse somme d'argent au budget national du Niger, là où Areva s'approvisionne en uranium.

Plus l'industrie nucléaire est en décrépitude, plus elle perd pied, plus elle devient arrogante et procédurière, plus elle s'enfonce dans l'agressivité et l'obscurantisme. Mais la faillite d'Areva est une véritable opportunité nationale. Celle de mettre à l'arrêt définitivement ces installations nuisibles et mortifères qui encombrent le territoire et menacent toute l'Europe et la planète. La raison et le bien du pays dictent la seule position et la seule décision juste : "Plus un euro d'argent public pour le nucléaire, fermeture immédiate et inconditionnelle des installations nucléaires".

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  1. - http://france3-regions.francetvinfo.fr/languedoc-roussillon/2015/02/13/inquietude-pour-l-emploi-des-salaries-d-areva-melox-marcoule-654895.html

  2. http://fr.wikipedia.org/wiki/Areva_NP

  1. A la création d'AREVA de nombreux actionnaires (Total, EDF...) ont alors apporté diverses participations minoritaires qu'ils détenaient principalement dans COGEMA et Framatome SA en échange de titres du nouveau groupe AREVA. http://www.areva.com/FR/finance-1166/structure-du-capital-du-leader-mondial-de-l-industrie-nucleaire-et-acteur-majeur-des-bioenergies.html

  2. http://fr.wikipedia.org/wiki/Banque_publique_d%27investissement et « l'Etat nucléaire » de Corinne Lepage (Ed. Albin Michel)

  3. https://www.easybourse.com/bourse/energie/article/18557/areva-francois-roussely-va-porter-plainte-pour-denonciation-calomnieuse-.html

  4. la vente d’Areva T&D à Schneider Electric et Alstom en 2010, qui représentait 30% du chiffre d’affaires d’Areva, apparaît aujourd’hui comme une des grandes sources d’affaiblissement financier du "champion de l’atome".

  5. Aux USA, déjà 5 réacteurs ont été définitivement fermés ces derniers mois : Crystal River 3, San Onofre 1 et 2, Kewaunee 1 et Vermont Yankee (source Observatoire du nucléaire)

  6. Mais ça, la direction d'Areva n'en à rien à foutre, puisqu'il tente par tous les moyens de refourguer encore son terrifiant produit de fission à base de plutonium « Mox » au Japon et dans les réacteurs français (ceux de 900mW).